Dans chaque verre de lait et dans chaque chanson ? *
Et voilà une nouvelle rentrée scolaire devant nous !
Ce moment tant attendu où l'on peut déposer ses enfants dans ce lieu important qu'est l'école, et où l'on peut lever sa tête, regarder le ciel et respirer une bouffée d’air frais, appelé dignité, que la vie nous offre, puis se rendre au travail (si tant est qu'on la chance d'en avoir un) sachant que nos enfants vont recevoir tout ce qu'ils méritent : éducation, formation, opportunité de savoir, de penser, de faire entendre leur voix et de choisir.
C'est en effet cette possibilité de choisir qui fait de nous des sujets libres, qui nous remet sur nos pieds. Les écueils sur le chemin vont certainement être moins lourds si l'on sait pourquoi on fait chaque pas et vers où on se dirige.
Ce jour, nos enfants chanteront l'hymne (*), puis entreront dans l'établissement. Le soleil fera irruption depuis la fenêtre dont les vitres dans le meilleur des cas seront propres et entières, laissant le froid dehors et mettant nos enfants à l'abri de la détresse sociale.
L'enseignant se placera devant la classe et donnera lieu à ce qui est à l'origine de tout acte libre : le droit d’apprendre à réfléchir. Son regard imprégné de plusieurs siècles de lutte, il s'adressera à cet instant à nos enfants, renouvelant une fois de plus son envie de se prononcer dans cette fonction pédagogique qui relève d'une véritable vocation.
Dans ce jeu croisé entre l'école, la famille et les situations personnelles, le rideau se lève sur ce lieu de la connaissance.
Jour après jour, chaque enfant va esquisser son histoire avec sa maîtresse, ses camarades, son groupe d'amis.
Depuis la nuit des temps, l'âge des rêves, des rêveries, des jeux, se voit chamboulée par des réalités familiales ou internes à chaque enfant.
Mais en dehors du cadre domestique, dans cette insertion sociale que chacun doit traverser et qui est essentiellement encadrée par l'école, un élément capital surplombe toutes les salles de classe, quel qu'il soit le milieu socioculturel ou le statut économique des élèves : la violence scolaire qui fait irruption dans la vie de nos enfants tel un raz-de-marée si difficile à maîtriser.
Les enfants ne savent vraiment pas quoi faire de ces manifestations de cruauté qui envahissent leur réalité sociale, leur groupe d'amis. Pour eux, appartenir au groupe
à n'importe quel prix revient tout simplement à exister, à donner sens ou pas à toutes leurs actions : travailler à l'école ou ne rien faire, avoir des bonnes ou des mauvaises notes, exprimer parfois clairement le désir de ne pas vivre si jamais ils sont privés de la possibilité de se sentir regardés ou valorisés par leur groupe.
En allant dans les écoles, on tombait presque toujours (données obtenues lors de la première phase de la méthode) sur des enfants de tous milieux sociaux et culturels désireux de parler du quotidien de leur groupe d'amis, des situations violentes ou douloureuses qu'ils vivaient. Voilà le cœur de leurs préoccupations. On pourrait dire qu'ils ne voulaient parler que de cela.
Comment échapper au fait inexorable que nos enfants partagent avec leur groupe tout ce qu'ils ne comprennent pas, et que cela se traduise parfois par une violence à l'encontre de leurs pairs ? Selon eux : « Il y a de vieilles colères qu'on traîne d'une année à l'autre, souvent sans savoir comment ça a commencé». Le besoin d'appartenir à un groupe d'amis s’exprime comme suit : « Le groupe, c'est ma vie.»; « Je ferais tout pour être avec eux ».
À cette maltraitance verbale qui s'impose et qui laisse des traces si profondes qu'elles « brisent le cœur », d’après certains enfants de 5 et 6 ans, vient s'ajouter quelque chose qui fait encore plus de peine : se sentir ignorés. Autrement dit, « s'ils ne me regardent pas, s'ils ne veulent pas jouer avec moi, je sens que je n'existe plus, je suis invisible. »
Comment échapper à la douleur de voir nos enfants mettre en scène dans leur espace social, c'est-à-dire l’école, tout ce qu'ils vivent à la maison ou dans notre contexte social ou professionnel qu'ils ne comprennent pas ?
Monica Toscano, « Lorsque les jeunes se prononcent. Un chemin de l'impossibilité à la possibilité. Méthode MONICA TOSCANO PREVENTION IN ACT®" Chapitre I. Extrait.
*Extrait des paroles de Esos locos bajitos, de Joan Manuel Serrat, qui fait allusion aux enfants.
(*)En Argentine, élèves, enseignants et familles chantent l'hymne national aussi bien à la rentrée que dans toutes les cérémonies scolaires.